J’aime pas être enceinte : le sujet est du genre tabou, et peu de futures mamans qui ressentent ce sentiment pendant leur grossesse osent le dire. Mary Le Berre, notre psy, répond et explique.
La grossesse ce n’est pas votre tasse de thé. Il se peut même que ce soit un vrai calvaire.
Pour autant, n’ayez pas honte !
La grossesse peut en effet susciter des sentiments contradictoires.
La grossesse : une épreuve, une crise d’identité
Cela peut être vécu comme une épreuve, une sorte de crise d’identité. Tout d’un coup, la future maman doit oublier son corps d’adolescente, de jeune femme et subir l’épreuve de la transformation est parfois difficile à vivre.
Les femmes doivent accepter qu’elles ne contrôlent plus rien. Certaines sont terrifiées de voir leur corps se transformer ainsi. Les femmes enceintes perdent également une certaine liberté. Au 3e trimestre, elles ont des difficultés à se mouvoir. Elles peuvent se sentir mal à l’aise dans leur corps. Le pire, c’est qu’elles n’osent pas en parler, elles ont honte.
Nous vivons dans une société où le culte du corps, de la minceur et du contrôle est omniprésent. La médiatisation de la maternité ne montre que des aspects positifs de la grossesse. Celle-ci doit être vécue comme un paradis.
On fait peser des contraintes et des restrictions énormes aux femmes enceintes : il ne faut plus boire, ni fumer, ni manger ce que l’on veut. On demande aux femmes d’être déjà des mères parfaites.
Ce qui est très loin de la réalité, on est dans du théorique, du conceptuel mais pas dans la réalité.
La grossesse : un vécu unique et personnel
La grossesse est aussi une expérience inquiétante et étrange dans l’inconnu. Tout le monde en parle, mais cela reste un vécu unique de chaque femme.
Toutes les fragilités psychiques que les femmes ont en elles, c’est-à-dire le bébé qu’elles ont été, le modèle de leur propre mère… on se prend tout ceci dans la figure. Tout ce qu’on avait caché, mis de côté, mal rangé dans l’inconscient se réactive pendant la grossesse. C’est ce qui amène parfois le fameux baby blues.
Après l’accouchement, on propose aux femmes des soins esthétiques, des remises en forme très physique mais pas de rendez-vous chez le psychologue.
On manque d’espace pour parler de tous ces changements dans le corps et dans la tête.
Toutes les femmes vont partager différents ressentis et sentiments et, pour certaines, cela peut être violent.
Ne pas aimer être enceinte ne fait pas une mauvaise mère
A ce moment de mon écrit, il me parait important de faire la différence entre ne pas aimer être enceinte, et l’amour qu’une femme peut porter à son enfant.
Je vous rassure, il n’y a pas de lien entre la grossesse et le fait d’être une bonne mère. Une femme peut très bien avoir eu des pensées horribles pendant sa grossesse, avoir détesté être enceinte et devenir une maman aimante.
Mais si elle garde des ressentis de culpabilité, il est important pour elle d’en parler à un professionnel afin de mettre des mots sur ce vécu et ainsi l’évacuer.
Ne pas culpabiliser
La question d’être enceinte touche à l’image du corps qui s’échappe, se transforme, on en perd la maitrise. Or dans notre société, on valorise la maitrise c’est pourquoi certaines femmes enceintes peuvent éprouver une perte. Mais aussi d’invasion de l’intérieur, ce mouvement interne angoisse les femmes car il demande des contraintes au nom de la maternité « parfaite ».
Le rapport homme/femme est aussi touché : l’égalité n’existe pas, c’est la femme qui porte le futur enfant du couple… Certaines aimeraient bien que ce soit leur conjoint qui porte le bébé, et certains hommes sont désolés de ne pas pouvoir le faire.
Mais, dans touts les cas, ne pas aimer être enceinte ne doit pas être stigmatisant, ni isoler la future maman.
Mary Le Berre est psychologue comportementaliste.