J’élève mon mari, leçon 1. Tu as brillamment rempli les conditions d’accession au métier de mère, mais ta formation est encore incomplète. Aujourd’hui, la session est consacrée aux clés qui vont te permettre de faire découvrir à ton mari des endroits hautement stratégiques dans le quotidien de ton foyer.
Premier module : Qu’est-ce qu’un mari ?
Sous ce terme générique, « mari », se cache le plus souvent un individu de sexe masculin, auquel tu as un jour dit « oui » devant tout le monde, ou même pas, mais toujours est-il que cet organisme étrange fait, depuis, partie de ta vie.
Pire, il est fort probable qu’il soit à l’origine de ton état de femme enceinte ou de mère de famille.
Ou alors non, parce que ta famille est recomposée, mais dans tous les cas, ça revient au même : « il » est là.
Le mari est, théoriquement, un individu sur lequel tu as un jour posé tes yeux de biche pour des raisons qui n’appartiennent qu’à toi.
Il était beau, c’était lui qui jouait le mieux de la guitare, il semblait le plus évolué de son espèce, les poils c’était sexy en fait, son absence de sens du rythme était mignonne, il cuisinait la blanquette au steak haché comme un dieu… que sais-je ?
Toujours est-il que, selon la désuète expression que plus personne n’utilise depuis 1961, tu t’es « mise en ménage avec lui ». Depuis, il y a des hauts, des bas, des milieux, des « bof » et des « wahou ».
Voyons comment faire pour l’élever correctement afin d’optimiser les choses positives.
Module principal Géographie : localiser les endroits clés de la maison.
Le mari n’est pas doté des mêmes qualités que toi, mais cela ne signifie pas qu’il est totalement incompétent.
Fort de ses qualités de GPS humain, il peut se révéler capable, après une bonne programmation, de trouver lui-même des endroits hautement stratégiques dans ton doux foyer.
1 – Le lave-vaisselle : le mari, sous la menace, peut ne pas trop rechigner à donner de sa personne pour débarrasser la table. Il faut l’encourager, c’est bien.
Malheureusement, tu te heurtes à une problématique récurrente : il pose la vaisselle en vrac sur le plan de travail. Juste au-dessus de cette machine qui lui semble bien étrangère : le lave-vaisselle.
Par ta patience, tu dois le guider vers ce cube bien utile. Et lui montrer que, oui, c’est incroyable, mais il est doté d’une porte ! Qui s’ouvre ! A l’intérieur, on y trouve des cases et des paniers judicieusement conçus pour recevoir la vaisselle ! Quelle découverte incroyable !
Ton mari te sera reconnaissant de lui ouvrir les portes d’un nouveau monde.
Il va commencer à saisir que non, ce n’est pas une licorne manucurée qui met les choses sales dedans.
Ne brise pas toutes ses croyances choupinettes d’un coup, et place en évidence le truc qui se met dedans et qui sert à laver (les tablettes, le liquide, enfin ce que tu veux, mais que ça brille, nom d’un chien !).
En lui précisant où ça se met, car une cruelle déconvenue est vite arrivée.
Embrasse-le pour le féliciter s’il parvient à mener cette périlleuse mission à son terme.
2 – Le lave-linge : Rigolo comme le mari se révèle parfois hermétique à daigner comprendre à quoi sert un truc dont le nom commence par « lave »…
Le lave-linge n’échappe pas à la règle. Tu ne vas pas tout de suite l’initier au cycle délicat, il n’est pas prêt. Par contre, il est indispensable de lui dispenser une leçon d’étendage de linge.
Sa méthode, toute personnelle et brouillonne, consiste – quand il consent fièrement à étendre le linge pour te relayer un peu dans ton métier de lavandière de la collectivité – à se saisir brusquement de tout le tas de linge mouillé et à le jeter violemment sur l’étendoir, dans l’espoir que les fringues s’accrochent comme des moules à leur rocher aux fils de ce truc pourri.
De toute façon, il ne vérifie pas, et le linge met donc 5 jours à sécher. Partiellement.
Mais le mari doit être guidé, car sa mère aimante n’a pas jugé utile de lui inculquer quelques notions de base : non, le linge en boule ne sèche pas bien.
Oui, il faut que les chaussettes soient totalement dépliées AVANT d’être étendue une par une. Regarde : ceci est une pince à linge ! C’est fou, l’une des extrémités se manie de façon à « pincer » le linge !
Valorisé par tes bons conseils, ton mari sera fier d’appréhender une nouvelle facette de la vie de famille.
Sa réussite est entre tes mains, ne te loupe pas ma vieille !
S’il parvient à étendre le linge correctement, embrasse-le.
Avec la langue, si vraiment c’est clean.
3 – la salle de bains : le mari est un peu comme un chaton, il a peur de l’eau ! Comme c’est mignon !
A part pour se laver, il semble redouter d’aller dans la salle de bains, pour la nettoyer, par exemple.
Quel intérêt quand on sait que sa propreté est due au passage régulier de la grenouille magique ?
Et, si par malheur elle est en RTT, il semble attaché à cette petite collection de poils de barbe fraichement rasée ou provenant d’autres endroits de son corps.
Ca va être compliqué, mais tu vas devoir mettre tes compétences de communicante à profit pour lui présenter l’éponge et le produit nettoyant.
Sous sa grosse carcasse, sommeille un petit lapin, prends-le par les sentiments !
Raconte-lui quelle merveilleuse histoire d’amour unit l’éponge et le produit, les étincelles quand ils rentrent en contact puis que l’éponge se love avec une énergique sensualité contre l’émail du lavabo, provoquant cet océan de mousse d’une efficacité redoutable…
Là encore, les félicitations sont d’usage s’il cartonne.
Ferme la porte au cas où les enfants vous verraient.
La clé de la réussite : la régularité
Tu sais déjà par expérience que malgré toute ta bonne volonté, le mari est susceptible de rechuter très vite.
Sous le fallacieux prétexte qu’il a une mémoire de bulot/eu une journée de dingue/ la vie d’un bataillon de GI entre ses mains sur la console de jeux/ la migraine, il est possible qu’il tente de se soustraire à la réalisation de ces menus travaux du quotidien.
N’abandonne pas. Ne lâche rien.
Ne dis à personne que tu as débranchée la console et accuse la fée enchantée de l’aspirateur, ou un enfant (pas un des vôtres, celui de copains, c’est mieux.). Rappelle-lui avec le sourire les fondamentaux, remontre-lui comment tout ça fonctionne…
C’est toi la formatrice, la réussite dépend de la qualité de ton enseignement ! Et surtout, surtout, valorise ses efforts.
Pour cela, un système de notation par lettre peut-être envisagé, en sachant qu’il peut sans problème aller jusqu’à la lettre « X ».