Avec « Une maman, un métier », on donne la parole aux mamans qui bossent, mais pas seulement ! On s’interroge sur l’incidence de la maternité sur la façon de faire son métier, et inversement. Elodie est maman d’un petit garçon et assistante sociale auprès d’enfants de 0 à 6 ans qui ont un retard de développement, elle nous parle des frontières entre son rôle de maman et son rôle professionnel.
DDM : Peux-tu te présenter en quelques lignes ? (prénom, âge, nombre d’enfants, profession, ville ou région où tu vis… et tout ce que tu juges utile d’ajouter).
Elodie, 28 ans, je suis mariée et nous avons un petit garçon, Esteban, qui a 13 mois. Je suis originaire de Grenoble mais je vis à Poitiers depuis maintenant 15 ans. Je suis assistante sociale dans un CAMSP (centre d’action médico social précoce) où nous accueillons des enfants de 0 à 6 ans qui présentent un retard de développement plus ou moins global.
DDM : Tu es assistante sociale. Comment organises-tu ta vie professionnelle et ta vie familiale ?
Je suis assistante sociale à temps partiel (70%) donc je ne travaille pas tous les jours. Ca me convient très bien pour pouvoir passer du temps avec mon petit garçon. J’ai choisi de faire des grosses journées au travail afin de ne travailler que 3 jours par semaine. Je fais donc des journées de 10h, mais au moins, je peux profiter d’Esteban les autres jours.
Les jours où je travaille, Esteban est accueilli dans une crèche parentale. C’est mon mari qui l’emmène et qui va le chercher car la crèche ouvre à l’heure où je commence et ferme à l’heure où je finis. Comme pour tous les parents, c’est un peu la course, ces jours-là !
DDM : Est-ce que ton métier a une incidence sur la façon dont tu élèves ton enfant ? C’est-à-dire, est-ce que les situations que tu rencontres ont un écho sur ta vie familiale ?
Evidemment, mon métier a une incidence sur ma façon d’élever mon garçon. Premièrement car j’ai reçu une formation sur le développement de l’enfant et que je ne peux pas faire abstraction de mes connaissances. Mais je suis persuadée que c’est un atout.
Deuxièmement, parce que je travaille avec des enfants (et leurs familles) de 0 à 6 ans. Nous accueillons des enfants du même âge que le mien. Et puis avant d’être assistante sociale, je suis une personne avec des émotions donc même si on arrive à garder une certaine distance émotionnelle, on ne peut s’empêcher d’être touchée par les familles que l’on reçoit.
J’ai également la chance de travailler avec des professionnels qui sont spécialisés dans la petite enfance (kiné, pédiatre, psychologue, éducatrices…), donc je profite de leur savoir-faire et de leurs conseils.
Malgré tout, lorsque je rentre chez moi et que je retrouve ma famille, j’essaye de laisser le travail derrière moi.
Je ne vais pas mentir en disant que c’est facile et que j’y arrive à chaque fois. Quand la journée a été difficile (des enfants qui ne vont pas bien, ou des situations familiales préoccupantes), il me faut plus de temps pour ne plus y penser mais il suffit souvent d’un câlin de mon garçon pour faire le vide !
DDM : Qu’est-ce qui te touche le plus dans ton métier ? Pourquoi l’as-tu choisi ?
Le métier d’assistant social est très différent selon le lieu où on travaille. En CAMSP, on reçoit des familles dont l’enfant a des problèmes de développement souvent dû à une pathologie médicale, mais qu’on n’arrive pas forcément à identifier.
Ces familles sont passées par des épreuves terribles. D’un diagnostic pendant la grossesse, ou d’un problème pendant l’accouchement, à des problèmes dans les premiers mois de vie de l’enfant… Ils ont souvent connu un parcours long et difficile. On ne peut qu’être touché par leur histoire qui est parfois traumatique.
En général, nous suivons leurs enfants pendant plusieurs années donc une relation de confiance s’établit. Nous les accompagnons dans les bons comme les mauvais moments, d’un résultat d’analyse qui ne semble pas bon aux premiers pas d’un enfant qui souffre d’un retard moteur… C’est tellement différent d’une famille à une autre qu’on se surprend encore à être émue, malgré plusieurs années de travail au CAMSP.
J’ai également une mission de protection de l’enfance importante dans cette structure et ils nous arrivent de rencontrer des enfants en souffrances.
Ce n’est pas évident d’oublier un peu la casquette de maman dans ces situations car on est touchée par ces petits qui vivent des choses terribles mais il est de notre devoir de les protéger. A notre niveau, cela se résume souvent à signaler les éléments aux services compétents et de travailler cela avec la famille pour que ça n’empêche pas le soin qui est indispensable pour les enfants. C’est une mission difficile mais c’est aussi le cœur de mon métier.
J’ai choisi d’être assistante sociale car je voulais pouvoir aider toutes ces familles en difficultés (sociales, éducatives…). Durant la formation, on doit réaliser des stages, et j’ai effectué l’un d’entre eux auprès d’enfants handicapés. A partir de là, j’ai rapidement compris que je voulais travailler dans ce domaine plus spécifiquement.
DDM : Maman et assistante sociale, c’est difficile ? Ou autre chose ?
Ce n’est pas toujours facile. Ce qui est le plus dur pour moi, c’est de ne pas comparer. Il m’arrive d’être une maman un peu angoissée.
Déjà, durant ma grossesse, lorsque nous accueillions une enfant née très prématurément, je ne pouvais m’empêcher de comparer son terme de naissance à mon terme du moment. Je vous laisse imaginer les angoisses que cela pouvait provoquer !
Encore aujourd’hui, il m’arrive de faire le lien entre les enfants que l’on accueille et le mien, mais j’arrive à relativiser et à ne plus m’inquiéter.
Certains pourront dire que ce n’est pas professionnel, mais je suis une personne à part entière, maman ET assistante sociale. Je ne laisse pas ma casquette de maman quand j’arrive au travail et vice versa.
Je suis même persuadée, que je suis une meilleure assistante sociale depuis que je suis maman (c’est très personnel et je n’en fais pas une règle générale). En effet, l’empathie est une des bases de ce métier et j’arrive beaucoup mieux à me mettre à la place d’une maman que je reçois maintenant que je suis moi-même maman.
Pour conclure, je dirais que même si ce n’est pas facile d’être maman et assistante sociale, je ne peux m’épanouir que comme cela, car mon métier est une vocation professionnelle et être maman est une vocation personnelle !