On reçoit beaucoup de messages à la rédaction, Magali nous en a écrit un adorable et, en échangeant avec elle, on lui a proposé de raconter son histoire. Elle a vécu 5 fausses-couches d’affilée, elle nous raconte son sentiment de honte à chaque fois, son parcours implacable pour avoir un second enfant, son deuil, et son espoir qui porte aujourd’hui le prénom d’Hugo.
Tout va bien
C’était en mai 2009. Nous sommes heureux, nous sommes mariés, nous avons fini la construction de notre maison et décidons d’avoir un bébé. Je tombe enceinte rapidement, le test dit « positif » et mon mari n’ose pas y croire!
Notre petit Tom pointe le bout de son nez en février 2010. La vie à trois se déroule sans encombre, Tom est un bébé joyeux, gai et qui nous comble de bonheur. Très vite je souhaite avoir un deuxième enfant, j’ai toujours voulu que mes enfants soient d’âge rapproché.
Début 2011, Tom vient d’avoir un an, c’est le bon moment. Mon gros ventre me manque, je veux revivre une grossesse, et surtout donner un petit frère/sœur à Tom. Je tombe enceinte, presque au moment où je le décide. Je n’ai pas de symptômes, je n’ai pas mal au ventre, je ne suis pas malade… Bizarre, pour Tom, j’étais malade à longueur de journée…
Un pressentiment
« Toutes les grossesses sont différentes…« , c’est ce que je me dis mais je trouve ça étrange, de plus en plus… Premier rendez-vous avec la sage-femme. Je ne voulais pas y aller seule, un pressentiment, je ne voulais pas. Et chéri ne pouvait pas se libérer.
Tant pis, j’y vais pas trop sûre de moi. La sage-femme me fait une écho, je vois bébé, il est tout petit, mais c’est mon bébé!! Je suis heureuse. La sage-femme fait une drôle de tête, je ne comprends pas. Je me rhabille. Elle me parle d’un ton calme, pose ses mains sur mes genoux et m’explique que le cœur de mon bébé s’est arrêté.
Je ne la crois pas, j’aurais eu des saignements, ce n’est pas possible… Je ne savais pas que ça existait des fausses-couches sans symptôme. Le mot « curetage » tombe.
Je m’en voulais, je n’avais rien vu, rien senti. J’en voulais à ce corps de ne pas m’avoir prévenue, de ne pas m’avoir dit que quelque chose n’allait pas. Je dois donc subir un curetage.
« J’ai honte… »
C’est fait, je sors le soir, vide, endeuillée, après une journée à l’hôpital. J’étais tellement heureuse que j’avais dit à beaucoup de monde que j’étais enceinte…
Maintenant je dois dire à tout le monde que j’ai fait une fausse-couche. J’ai honte… Je m’endors les larmes à l’œil, je me réveille en pleurant.
La journée je pleure sans m’en rendre compte. Les larmes viennent toutes seules. Je n’arrive pas à remonter. Faut que je me redresse, j’ai mon petit Tom qui a besoin de moi. Je reprends mon travail et j’essaie de faire mon deuil.
Je travaille dans un laboratoire et chaque jour je vois des femmes enceintes, je les envie… Je ne dis rien, je fais face, mais au fond de moi rien ne va.
6 mois plus tard, je suis enceinte !
6 mois après je retombe enceinte. Je suis contente, j’avais peur que ça ne « prenne pas tout de suite » après un curetage. Je suis malade, je ne peux rien manger et je suis contente d’avoir des symptômes! Deux mois de grossesse, un rendez-vous chez le gynéco… et tout s’arrête encore une fois. Le cœur de bébé s’est arrêté. Curetage 3 jours après.
Idées noires, je culpabilise, j’en veux à ce corps qui ne m’avertit pas. Certains me diront « c’est la nature », « la nature est bien faite, bébé n’aurait pas été viable », « vous êtes jeunes »
Je ne veux plus entendre ces phrases qui ne servent à rien. C’était mon bébé, et c’est lui que je voulais. Curetage…
Et puis encore…
6 mois après, la même chose, je retombe enceinte, personne ne le sait, je ne veux plus en parler, j’ai honte.
Le test est positif, je suis heureuse mais j’ai très très peur. Je suis arrêtée. Au bout de deux mois, bizarre je n’ai plus de « petites bulles ».
Verdict: grossesse arrêtée: curetage.
A chaque curetage, chéri a toujours pris sa journée pour m’accompagner. Ça fait du bien de le voir à la sortie du bloc. Il est là, présent. Il me cache sa tristesse. Essaie même de me faire rire…
Trois curetages en 18 mois, le moral est au plus bas.
Je fais mon deuil d’un deuxième enfant
Réellement. Nous n’aurons qu’un seul enfant, et je m’estime heureuse. Il va bien, il est en bonne santé. Je veux malgré tout connaître la cause.
Je passe de nombreux examens à Bordeaux, j’aimerais tant trouver la cause. J’ai fait quoi ? Avec chéri, on ne se reprochera jamais que c’est la faute de l’autre. Notre couple est fort malgré cette épreuve.
Rien d’anormal sur les échos, prises de sang, hystéros… Examens de mon mari : rien.
On m’avait prévenue qu’il n’y aurait certainement rien d’anormal : « Vous avez déjà un enfant, c’est la faute à pas de chance, c’est la nature qui décide… » J’ai changé 3 fois de gynéco, et tous avaient le même discours.
Marre, découragée, seule.
Toujours et encore le même scénario
6 mois après, même scénario, à deux mois de grossesse, « grossesse arrêtée ». C’est un tsunami qui s’abat sur moi.
Je n’ai plus le « droit » au curetage. Je suis au plus mal. Je dois prendre un médicament pour faire évacuer cet embryon mort en moi.
Un matin, j’ai de fortes contractions, j’arrive à l’expulser en 2 heures de temps. Je souffre dans mes toilettes, c’est horrible. Je « préfère » encore les curetages…
Septembre 2013, Cinquième fausse couche,
6 mois après. J’ai cru à cette grossesse, c’était bien parti selon le gynéco, j’étais à 2 mois et demi. J’avais entendu son petit cœur battre à chaque consultation, c’était magique.
C’est fou comme on se projette dans l’avenir grâce à ces échographies.
Fin de cette grossesse dans mes toilettes. La plus dure de toutes ces fausses-couches, j’ai vécu un accouchement dans mes toilettes. Contractions pendant 2 jours, et l’on sait malheureusement que ce n’est pas un bébé qui nous attend… C’est horrible.
Mon flacon d’analyse est là, posé par terre. Il faut que je mette, « mon bébé » dans ce flacon pour analyses. Un cauchemar. Je suis exténuée.
J’ai vécu un mini accouchement. J’ai tellement mal physiquement et moralement. Je veux épargner mon fils, je ne veux pas qu’il me voit comme ça.
Je reste seule. Tom et mon mari partent en balade.
3 ans de fausses-couches à répétition, sans en connaître aujourd’hui la cause.
Mon fils, mon mari: mes « médicaments », mes « sauveurs »
Le 15 février 2014, je tombe enceinte. Le 15 février 2004, je rencontrais mon mari. Nos 10 ans de rencontre. Je suis enceinte. Contente mais perplexe.
Pas vraiment heureuse, peut-être le début, et une triste fin m’attend? Je ne sais pas, je ne veux pas m’investir dans cette grossesse, tout est trop douloureux après.
Je suis suivie de près. A chaque consultation, mon cœur s’emballe, je suis très angoissée.
J’arrive à 3 mois, je n’ose pas y croire. Mon bébé est toujours là, je suis tellement heureuse d’entendre son cœur et à chaque fois, étonnée.
Il tient bon mon bébé. Tout va pour le mieux mais je reste très angoissée à l’idée que mon bonheur s’arrête.
5 mois de grossesse, peur que l’écho morpho nous annonce un malheur.
Je ressors vivante, euphorique.
Jusqu’à la fin de ma grossesse, j’ai été angoissée. Pourtant tout se passait bien.
La cicatrice du deuil
Le 7 novembre 2014, Hugo est né par césarienne. Il s’était positionné en transverse, mon accouchement ne pouvait pas se dérouler autrement.
J’ai une belle cicatrice qui marque ces 3 années de deuil. Un superbe accouchement. Une cicatrice morale et physique.
On me dit souvent, maintenant que j’ose raconter mon histoire sans honte, que j’ai été courageuse.
Je leur réponds que ce n’est pas du courage, c’est de l’espoir que j’ai eu.
J’ai mon bébé dans les bras, et en effet ça valait le coup de persévérer. Ce sont des épreuves qui rendent plus forte…
A chacune de vous toutes qui m’avez lue, qui vivez ces durs moments, n’ayez crainte. Un jour, « la nature » comme on m’avait dit, est indulgente.
On ne sait pas quand. Quand on y croit plus… Ayez toujours l’espoir…
Illustration de Juliette Merris