Un jour, parents d’ado, vous allez craquer. Votre ancien-enfant-pas-encore-adulte va vous tanner jusqu’à l’os pour avoir le Saint Graal, l’accessoire ultime, le truc que sans c’est trop la mort sociale pour lui ou elle… Le téléphone portable. Et ce jour, c’est le début de…
L’entrée au collège, on l’a déjà précisé, signe comme un changement d’ère.
Pour se préparer à cette échéance, il y a deux choses principales à savoir.
D’abord, pour éviter la délicieuse combinaison soupir appuyé – regard noir (que de toutes façon vous découvrirez bien à une occasion ou à une autre), il faut vite s’habituer à ne plus dire « cartable » mais « sac ». C’est peut-être un détail pour vous, mais l’ado ne vous pardonnera que deux erreurs.
A la troisième, il demande à son avocat de lancer une procédure d’internement d’office de ses parents pour sénilité. Rassurez-vous, ça ne marche pas à tout les coups, mais c’est vexant et ça fait de la paperasse.
Ensuite, il faut lui fournir un téléphone portable.
Enfin quand je dis “il faut”, comprenez-moi bien.
Vous pouvez choisir de résister aux pressions lancinantes de votre petit trésor.
Bien sûr, il a commencé son forcing au mois de décembre de l’année dernière (au cas où ça aurait pu passer pour Noël) et l’usure – la votre, pas la sienne – commence à se ressentir.
Bien sûr, il menace d’entamer une grève de la faim et ça vous angoisse un peu (Même si, vous vous dites que compte tenu de la dépense calorique que représentent ses journées dans le canapé, il peut tenir 6 mois avec les 3 paquets de chips qu’il vient d’avaler).
Bien sûr, vous devinez que ça pourrait vous faire un truc à confisquer en cas de défaillance grave à ses obligations contractuelles (ranger sa chambre une fois par an, vider le lave-vaisselle si vous avez les deux bras cassés, avoir une moyenne générale supérieure à 1,5…).
Bien sûr enfin, vous vous dites que ça peut être pratique de l’équiper en cas d’urgence.
Funeste erreur.
Il ne vous appellera pas. Il ne vous répondra pas.
Enfin si.
La première heure. Pour vérifier que la ligne est activée.
Attendri par sa petite voix au bout du fil (enfin y’a pas de fil mais c’est quand même comme ça qu’on dit), vous trouvez ça très mignon.
De son côté, le nouveau né dans le monde cellulaire est heureux de cette première conversation entre adultes.
Après c’est mort.
Sauf s’il est coincé en plein blizzard parce le gasoil a gelé dans le réservoir du bus qui le ramène du collège et qu’il n’a pas envie de retirer ses moufles pour rédiger un texto, vous n’aurez plus jamais la moindre occasion de recevoir un appel de sa part.
Après vous avoir juré le contraire pendant des mois, l’ado fait aussi rapidement que efficacement la démonstration qu’il peut se passer de téléphone. A vrai dire, il a même oublié qu’on peut dire “t’es où ?” dedans.
Pour l’ado, le téléphone cellulaire – dans sa composante moyen de communication – sert exclusivement à l’émission et la réception de SMS. Très préoccupé par son niveau d’orthographe et sensible à la délicatesse d’une phrase bien tournée, il préfère en effet converser par écrit avec ses correspondants.
La bonne nouvelle , c’est qu’accessoirement, il vous juge apte à décrypter ses messages ( mais pas à lui répondre car votre lenteur à pianoter avec vos vieux doigts usagés le consterne). Vous pourrez donc avoir le bonheur de recevoir « ya plu de chips », « ya plu de nutella » ou « G raT le bus ».
Oui, la syntaxe, c’est son dada.
Si la curiosité vous pousse à jeter un œil à la facture détaillée vous pourrez en juger par vous-même. Et ne l’appelez pas pour lui dire qu’il a explosé son forfait. Il ne vous répondra pas…