Qu’est-ce qu’un beau-parent ? Comment peut-il ou doit-il se positionner au sein de la famille recomposée ? Comment faire pour que chacun, enfant et adulte, trouve sa juste place dans la famille recomposée ? Elodie Cingal, psychologue spécialisée dans les thématiques liées aux séparations et aux familles recomposées, répond à toutes ces questions, et bien d’autres.
Drôles de mums : « Qu’est-ce qu’une famille recomposée? Comment peut-on définir un beau parent? »
Elodie Cingal : Une famille recomposée, contrairement à ce que l’on aimerait croire, ce n’est pas juste un parent, un beau parent et les enfants. Dès lors que l’on est séparé et que l’on a des enfants d’une première union, on ne peut plus être une famille nucléaire. La famille recomposée, c’est donc papa, maman, les enfants (les miens et les siens), le/les beaux-parents et tous les adultes – grands parents, oncles, tantes (même ceux des beaux-parents) – qui gravitent autour.
Le beau-parent est un adulte qui a développé dans le temps un lien particulier avec l’enfant de son/sa partenaire. Cet adulte, parce qu’il a appris à se lier à l’enfant, parce qu’il a acquis sa confiance, et surtout parce que le parent lui a délégué une autorité, peut participer aux tâches quotidiennes de l’enfant, dont celle de le réprimander. En résumé, un beau-parent est un adulte qui a un rôle de chef adjoint. Papa et maman restent les chefs, mais ils se font aider par le beau-parent, l’adjoint. Il ne doit pas se substituer au parent mais peut acquérir une place privilégiée dans la vie de l’enfant.
DDM : « Existe-t-il des conditions plus favorables à la recomposition familiale ? Des écueils à éviter? »
EC : Sans enfants, on ne peut pas parler de recomposition familiale. Ce n’est qu’une remise en couple. C’est donc la présence d’enfant(s) qui rend l’aventure complexe. Si on part du principe que la réussite de la recomposition familiale passe par les enfants, il faut considérer l’environnement de celui-ci. Un enfant heureux est plus flexible et adaptable qu’un enfant insécure.
Trois éléments simples à comprendre, mais difficiles à obtenir, se détachent :
- 1 : l’entente des parents pendant et après la séparation : lorsque les parents se déchirent, il se développe souvent un conflit de loyauté chez l’enfant. Il va, malgré lui, préférer un parent et de fait, faciliter ou bloquer la mise en commun de la nouvelle famille.
- 2 : le mode de garde : La résidence alternée favorise la recomposition familiale pour plusieurs raisons. D’abord, elle donne aux parents plus de temps pour reconstruire tranquillement et sans précipitation leur vie. Ensuite, l’enfant n’a pas le sentiment de léser un parent et accepte plus volontiers l’arrivée d’un autre adulte dans sa vie. Enfin, l’enfant, s’il est un peu fragile et qu’il n’aime pas trop le nouveau partenaire de son parent, peut s’échapper une semaine sur deux chez l’autre parent. L’acceptation est alors plus douce. Un enfant en résidence exclusive est beaucoup plus dans le conflit de loyauté, dans l’agrippement à un parent, dans l’insécurité. Il est donc important que l’enfant puisse aller chez son parent non gardien au minimum 10 jours pas mois.
- 3 : l’âge des enfants : plus l’enfant est petit, plus il est malléable et ouvert à accepter de nouveaux adultes dans sa vie. Un ado est plus tourné vers ses copains et plus rigide en terme de chamboulement. Il en subit déjà tellement en interne.
Quoiqu’il arrive, un enfant est souvent heureux de voir son parent retomber amoureux car il est gagnant. Si l’adulte est gentil et que malgré tout, il est rejeté par l’enfant, cela devient une alerte importante à prendre en compte. Il faut alors commencer par regarder les deux premiers points : l’entente des parents et le mode de garde. Parfois, quelques ajustements suffisent. Si cela ne fonctionne pas, il faut entendre que l’enfant est insécure et qu’il faut alors comprendre ce qui le rend fragile.
L’écueil principal à éviter est la précipitation, la recomposition dans l’urgence. Il faut d’abord consolider son couple avant de refaire une famille. Il faut également amener le nouvel amoureux en douceur de façon à ce que l’enfant développe des liens et demande lui-même à revoir l’adulte.
DDM : « Comment faire quand les ex ne s’entendent pas et qu’une rivalité se développe entre les anciens et les nouveaux conjoints? »
EC : Tout d’abord, quelle que soit l’entente entre les parents, il me semble important que ce ne soit pas les enfants qui annoncent à leur parent que leur autre parent a rencontré quelqu’un. Le parent le vit comme un choc, voire une trahison. L’enfant est celui qui reçoit les messages de l’annonce. Cela ne va pas faciliter l’acceptation par l’enfant du nouvel amoureux. Je pense qu’il est donc préférable que ce soit l’adulte qui annonce à l’autre parent que son enfant a rencontré son amoureux (se) et que ce celui-ci va rencontrer les enfants.
Ce parent n’a pas à justifier son choix d’amour mais il a le devoir de rassurer l’autre parent sur les compétences humaines et les projets avec ce quelqu’un. Il ne faut pas oublier qu’on va confier à cette personne une partie du quotidien de son enfant…. qui est aussi celui de l’autre parent.
La plus grande difficulté dans les rivalités entre ex et nouveau, c’est de savoir délimiter les territoires. Après avoir rassuré l’autre parent sur le fait que le beau-parent ne va pas se substituer au parent, il faut parvenir à faire le tri entre le voyeurisme typique post séparation et le besoin parental de savoir comment cela se passe. Par exemple, je peux accepter d’expliquer (pas justifier) l’organisation du quotidien de l’enfant avec le beau-parent, mais pas mon intimité avec cet(te) amoureux (se).
Dans la recomposition familiale, ce qui fait le plus mal, c’est la difficulté à faire confiance à l’ex. On a un petit quelque chose paranoïaque à s’imaginer que l’ex sera forcément intrusive ou malveillant …. Je pense qu’il faut d’abord tenter de mettre en place un climat de confiance et de partage et c’est à l’usage que l’on verra si cela est possible.
Enfin, malheureusement, quand on se remet en couple, on tend à adapter un comportement qui correspond aux besoins du nouvel amoureux, niant alors l’ex. C’est une erreur banale mais douloureuse pour les enfants et la famille recomposée. L’ex ne s’y retrouve plus, ne comprend pas pourquoi l’éducation appliquée ensemble jusqu’ici devient caduque. C’est au parent de se battre avec le beau-parent pour tenter de maintenir le plus possible les règles passées ;
DDM : « Comment faire quand deux fratries se rencontrent avec des règles passées opposées ? »
EC : Pour les règles, si elles sont très opposées, il ne faut pas se leurrer, cela passera par des disputes de parents, des jalousies, des querelles ou des manipulations d’enfant, etc. Un enfer, parfois !! Mais, petit à petit, à force de persévérance et à force de montrer aux enfants qu’ils sont entendus, vus mais pas pour autant les chefs, les choses se feront et une organisation naitra. L’important, c’est surtout de ne pas privilégier les règles d’une fratrie et de bien expliquer aux enfants que si on perd d’un coté, l’autre fratrie aussi. Par rapport aux règles passées, on les fera donc évoluer progressivement, sans soudaineté. Ainsi, et les enfants et l’ex ont le temps de s’adapter.
Elodie Cingal est psychologue à Paris. Elle est spécialisée dans les thématiques liées aux séparations, aux familles recomposées et aux mauvais traitements. Elodie intervient régulièrement dans les médias et anime un blog de référence (http://psy-conseil-divorce.over-blog.com).