C’est un documentaire bouleversant. Il raconte la vie de Samy, 8 ans, polyhandicapé et autiste sévère, le second fils d’Eglantine Eméyé. La journaliste et animatrice a surmonté sa pudeur naturelle pour tourner ce film poignant qui, peut-être, fera évoluer les choses, pour le bien des enfants et de leurs parents. A voir le 21 janvier à 20 h 35 sur France 5.
Drôles de Mums : « Mon fils, un si long combat » raconte l’histoire de votre fils, autiste et polyhandicapé. Pourquoi avez-vous fait ce documentaire ?
Eglantine Eméyé : Pour plusieurs raisons. Avec Samy, j’ai mené pendant plus de 5 ans une bataille contre le système de prise en charge mais aussi contre lui. Devoir lutter contre son enfant est monstrueux, c’est émotionnellement épouvantable… il n’y a pas de mot. J’ai voulu montrer la réalité mais aussi dénoncer les absurdités du système face au handicap, auxquelles on ne peut être confronté que lorsque ça nous arrive. Le handicap est une situation intime très difficile à vivre, dans une société qui est très dure avec ça et où les aides qui existent sont tout simplement mal faites. Entre parents d’enfants handicapés, on se plaint de toutes ces difficultés, mais il y a tellement d’absurdités que je voulais que les gens comprennent.
DDM : Qu’est-ce qui ne va pas, d’après vous, dans ce système de prise en charge ?
E.E : Les règles de fonctionnement sont absurdes. La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) est l’organisme référent qui doit nous aider, mais les interlocuteurs sont systématiquement injoignables. Ces règles sont faites par des gens qui connaissent très mal le handicap et sont en totale inéquation avec la réalité. Avec ce documentaire, j’ai voulu montrer cette réalité. Depuis que je sais que mon fils est handicapé, je voulais en parler, en tant que journaliste, pour expliquer les choses. Mais c’est tellement compliqué à vivre de l’intérieur que j’ai dû surmonter ma pudeur naturelle pour faire ce documentaire. J’espère qu’il permettra de faire avancer les choses.
DDM : Comment va Samy, aujourd’hui ?
E.E : Depuis l’été 2013, il réside dans un hôpital à Hyères, à 900 km de Paris car il a été impossible de trouver un endroit plus près. Après toutes ces années de combat, j’étais éreintée, je n’en pouvais plus… malgré tout l’amour que je lui porte, peut-être fallait-il se séparer pour mieux l’aimer. Il est plus serein, moins nerveux, plus à l’aise dans la vie, et la mienne est beaucoup moins stressante. Je vais le voir tous les 15 jours et nous partageons des moments de sérénité.
DDM : Et vous, comment allez-vous ?
E.E : C’est très compliqué, la décision de me séparer de lui a été très difficile à prendre, mais je sais qu’il va mieux et je suis en confiance avec l’établissement. On aimerait garder son enfant, mais on ne peut pas. Parce que les parents d’enfant handicapé ne souffle jamais : les instituts qui peuvent les accueillir pendant la semaine sont fermés le week end et, notamment dans les cas comme celui de Samy, autiste sévère et polyhandicapé, le maintien à la maison est impossible. La culpabilité ne me quitte pas, mais au fond de moi, je sais que cette séparation était la bonne décision pour lui avant tout, et pour moi. Mais je crois que je vais bien. Je ne réalisais pas que je vivais sous une pression permanente.
DDM : Samy a un frère aîné, Marco, comment vit-il la situation ?
E.E : C’a été vraiment très dur pour lui. On oublie le reste de la famille, qui souffre énormément. Moi, on me disait « pense à lui. », mais je ne pouvais pas le faire réellement, je n’étais pas prête. La situation était terrible, lourde et étouffante, Samy ne dormait pas, il s’auto-mutilait, il était impossible de le laisser une seule seconde. Au bout d’un moment, ça devient dangereux psychologiquement et physiquement pour les membres de la famille. Depuis que Samy est à Hyères, Marco pose plus de questions sur lui, là aussi c’est plus serein.
DDM : Vous parlez de la famille, que faire pour aider l’entourage d’un enfant handicapé ?
E.E. : On est forcément isolé, les parents se retrouvent désemparés et seuls, et plus particulièrement les mères qui se retrouvent très souvent seules à mener ce combat. Il n’existe, par exemple, pas de liste des vraies personnes référentes qui pourraient orienter les parents en fonction du handicap de leur enfant, rien qui explique ce qu’il faut faire. Quand on est confronté au handicap, on manque d’information, on ne sait pas par quel bout prendre les choses. Heureusement, il existe des associations de parents et on s’entraide entre familles, ce n’est pas suffisant, mais ces associations sont aujourd’hui les meilleures sources d’information. Cependant, on m’a promis un rendez-vous au ministère chargé des personnes handicapées, ça va peut-être dans le bon sens.
Eglantine Eméyé est co-créatrice de l’association Un pas vers la vie, dont la mission est de permettre aux enfants atteints d’autisme de bénéficier au plus tôt d’un accompagnement individuel et personnalisé par un personnel compétent.
Le documentaire « Mon fils, un si long combat » a été réalisé par Eglantine Eméyé et Olivier Pighetti.