Elle nous a écrit, elle avait des choses à dire et besoin de les exprimer. C’est une maman, comme toi, comme moi, qu’on ne connait pas mais avec qui on partage au moins le fait d’être mère. Elle a fait dans la douleur le choix de l’IVG, nous publions son témoignage.
LA découverte
Tu es arrivé en toute discrétion, sans y être invité, enfin un peu quand même. Mais moi je ne t’attendais pas, j’avais décidé de fermer définitivement les portes mais, imprudente, je n’ai pas fait ce qu’il fallait.
Tu as commencé à emménager, à mettre en place ce qui va te servir de nid pendant quelques mois. Moi de mon côté je ne me doute de rien, je continue ma petite vie, entre soirées copines, boulot, mes joies, mes emmerdes.
Ton habitation est presque fini, et tu t’apprêtes à y séjourner mais sans autorisation…. Et moi je suis en train de me demander si je n’ai pas un squatteur. Diverses vérifications me confirmeront que si.
Je me dis d’abord que ce n’est pas possible, que mes vérifications sont merdiques, que je me fais des films, je dois recommencer. Je recommence…. Nouvelle confirmation.
Première réaction, je pleure, puis je panique, je re-pleure , je réfléchis, tout s’embrouille dans ma tête. Je m’en veux, pourquoi t’as pas fait ce qui fallait ? Mais pourquoi tu es aussi tête en l’air ? Tu vois maintenant, tu vois à quoi, on va être confronté ?
LA décision de ma vie
Chéri est désolé pour moi, il sait à quel point ça va être difficile pour moi, il me connait. Même si la décision nous appartient bien entendu à tous les deux, il a l’intelligence de se mettre en retrait, tout en s’assurant que je ne m’écroule pas.
Toute de suite, ce qui me vient, c’est que je n’ai ni la force ni l’énergie de re-signer un bail, je ne veux pas me replonger dedans, pas dans mon état si fragile, pas quand je remonte cette pente qui a été si douloureuse. Pas après tant d’efforts, de pleurs, de cris, de moments aussi difficiles à tous les niveaux….
Je suis au plus mal. Je me pose des tas de questions, je me raisonne, je pleure encore, je réfléchis et je pleure à nouveau, appelle mes copines, mon frère et rien n’y fait, j’ai l’impression que je vais commettre une abomination.
Je me noie, je suffoque, j’essaye de réfléchir, j’aurai tant aimé ne pas prendre une décision comme celle là ! Mais voilà j’y suis. Suis-je égoïste ? Que dois je faire ? Je réfléchis encore mais je sais au fond de moi que ma décision est malheureusement déjà prise et ça me rends tellement malheureuse. J’essaye de trouver des raisons de ne pas… et en fait j’en ai plus qui font que je dois….
Et maintenant….
Mon préavis d’une semaine est lancé. Je souffre, pas physiquement, j’aimerai tellement, j’aurai l’impression de le mériter.
Je repense aux longues discussions que j’ai pu avoir sur le sujet avec mes copines, j’étais pleine de principes, d’idées proprettes, de moral qui ne vaut rien si la situation ne t’explose pas en pleine figure.
J’apprends encore aujourd’hui à mon âge, j’apprends que tant qu’on n’a pas vécu une expérience difficile, je ne dois pas critiquer, encore moins juger. C’est tellement facile de loin, mais c’est tellement loin d’être facile.
Je me raisonne encore, oui c’est mieux ainsi, je suis fragilisée par tant de combats, par tant de fatigue, en mener un autre finirait pas m’achever. Ma famille est forte aujourd’hui mais persister sur cette nouvelle route me fragiliserait davantage, et je ne suis pas certaine de vouloir prendre le risque.
Je le dois à mes petits et je sais qu’ils seront heureux et bien seulement si je le suis aussi. Je suis tellement désolée, tellement triste pour toi qui n’existe même pas.
Je n’ai jamais eu à rougir de mes choix, mais il y a une personne contre laquelle je me bats constamment et à laquelle je dois toujours rendre des comptes, et envers qui je dois me justifier constamment. C’est moi-même.
Ma décision ? Interrompre ma grossesse.