Après avoir dansé la capucine complètement saouls, prenons le large, chers parents, avec une nouvelle analyse poussée de comptine qu’on subit malgré nous : Maman les petits bateaux, la comptine qui touche le fond… Grave.
Déjà, il y a l’air : celui de Maman les petits bateaux est aussi entrainant que le bruit d’un lave-linge.
Gnagna-gnagnagnagna-gna-gna-gna-gna-gnagnagnagnaaaaaaa. Voilà.
Mais pire, il y a les paroles ! Voyons ensemble pourquoi elles ont la subtilité d’une pierre accrochée autour du cou d’un condamné par un mafieux calabrais.
Maman les petits bateaux
Oui mon chaton, qu’est ce que tu veux savoir ?
Qui vont sur l’eau
Parce qu’il y en a qui vont sur l’herbe ? Sur l’autoroute ? Qui volent, peut-être ?
Ont-ils des jambes ?
Mais qu’est-ce que c’est que cette question complètement crétine ?
Mais oui mon gros bêta
Cette mère est décidée à saper toute confiance chez son enfant : direct, elle le traite de débile. Bravo, bel esprit. En plus elle dit oui, cette sotte.
S’ils n’en avaient pas
Bein voyons… oui ? On est suspendu à la réponse : que se passerait-il si, tout comme les avions et les voitures, les bateaux n’avaient pas de jambes ?
Ils ne marcheraient pas
Mon chaton, ta maman est une cruche. Elle croit que les bateaux ont des jambes. C’est terrible. On a un vrai problème. J’appelle la protection de l’enfance.
(à cet instant de cette comptine totalement désespérante, le commun des mortels croient que c’est fini. Pas du tout, il y a une suite. Prends ton tuba, on coule.)
Allant droit devant eux
Une mère qui parle de droiture alors qu’elle fait gober n’importe quoi à son enfant : on croit rêver.
Ils font le tour du monde
Faut dire qu’ils ont des chaussures de randonnée, ça aide.
Et comme la terre est ronde
Stop : cette mère sait que la terre est ronde ! Il semblerait que son intelligence se manifeste au rythme de la lueur d’un phare sur la mer, la nuit. Episodique, donc.
Ils reviennent chez eux
Voilà. c’est tout simple. Les bateaux font le tour de la terre sur leurs petites jambes et puis ils rentrent chez eux. Dans leur maison, probablement mitoyenne de celle de leurs voisins les barques et les paquebots.
(Interlude)
A ce moment de la comptine, l’enfant – qui ne connait que 3 phrases – repose la question du début.
De deux choses l’une : soit il met en doute l’explication de sa maman, soit il n’a rien compris.
Là, la mère lui rejoue sans complexe le couplet des jambes.
Puis enfonce le clou, et nous avec.
Va quand tu seras grand
Tu t’achèteras une encyclopédie ou tu demanderas à internet, et tu tomberas sur ce papier qui t’explique tout, mon pauvre chaton.
Tu feras le tour du monde
Avec tes jambes, comme les bateaux.
(Mais… attendez : si ça se trouve, elle croit que son enfant est un bateau ?!)
Tu reviendras parfois
Mais pas trop, hein, déjà on t’a élevé, alors vient pas nous moisir notre retraite. On aimerait bien parler rotondité de la terre tranquille, merci.
Embrasser ton papa
Mais pas ta maman car, comme elle te chante n’importe quoi, tu ne voudras plus lui parler, même après ta crise d’adolescence.
(Interlude 2)
Là, l’enfant a une fulgurance : tiens, elle a dit papa ? Comme c’est intéressant… Et, du coup… :
Papa les petits bateaux
Et rebelote, le gamin pose encore la question des jambes sur les bateaux. On peut interpréter cette attitude en disant que, doutant des capacités intellectuelles de sa mère, il se tourne vers son père pour avoir enfin une réponse à sa question.
Et papa répond…
Mais oui mon gros bêta
S’ils n’en avaient pas
Ils ne marcheraient pas
… quand je vous disais que cette comptine touche le fond…
Thèse de 3 lignes sur la portée éducative de cette comptine
De toute évidence, ces parents sont déterminés à apprendre n’importe quoi à leur enfant. S’il y avait une suite à ce vibrant hommage au monde du nautisme, il y a fort à parier qu’il serait question de poissons rectangulaires et panés nageant prudemment dans les eaux profondes pour éviter les pieds des bateaux.
Alors, à quoi sert cette comptine ?
Comme d’habitude, mon ami(e), à part te rester dans la tête toute la journée, je ne sais pas.
(On me dit dans l’oreillette que cette merveilleuse comptine peut comporter d’autres paroles. Chacun sa version, les amis, chacun sa version… ça ne change rien au problème, d’autant qu’on ne doit pas être 10 000 à connaitre le truc au delà du premier couplet.)