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Les comptines qu’on subit : Le Grand cerf

Parents, vous le savez, nous sommes soumis à une torture très élaborée qui consiste à écouter, chanter et même mimer des comptines, tout ça sous prétexte d’éveiller nos enfants. Des comptines qui racontent des trucs… comment dire ? Bon, complètement tartes. Alors après le très alcoolique « Dansons la capucine », penchons-nous sur le cas gratiné du Grand Cerf.

Et pour illustrer Le Grand Cerf, nous avons la joie d’accueillir l’excellentissime Juliette Merris.

Dans la série « les comptines sont un peu au secours, quand-même », notre ami Le Grand Cerf – qui fait donc parti de la grande famille des cervidés- occupe une place aussi à part que préoccupante.

Car là où on imaginait, avec la sagacité de l’amoureux de la nature, qu’il se contentait de bramer au fond des bois pour fêter sa période de rut (le saviez-vous : il existe des gens dans ce bas monde qui vont se geler la nuit pour écouter ça.), auréolé de sa fragrance toute rustique, on apprend grâce à cette comptine que le cerf vit une vie parallèle et fréquente des animaux plus petits que lui.

Rentrons donc dans le détail :

Dans sa maison un grand cerf

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Ça va, rien ne vous choque ? Non ? Mais enfin : le grand cerf VIT dans une maison ! Pas une tente quechua, pas un F3, non : une maison.

Regardait par la fenêtre

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En soulevant de sa petite papatte son rideau de cuisine à motifs de flamants roses, comme chez sa mamie ?

(Quoi ?! Il a des rideaux et une maison, il a bien le droit d’avoir une mamie, non ?)

Un lapin venir à lui

Il est prétentieux ce cerf derrière sa fenêtre : il imagine directement que le lapin vient le voir, lui. Genre il est hyper populaire. Alors que, si ça se trouve, il va chez le sanglier du pavillon d’à côté, on ne sait pas encore !

Et frapper à l’huis

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Bon, ok, le lapin venait bien voir le grand cerf. Pourquoi lui ? Mystère. Le sanglier devait être au bistrot.

Mais on a quand même un problème : « frapper à l’huis. » Il s’agit donc d’un lapin latiniste ? Il ne peut pas dire « porte », comme tout le monde au XXIe siècle ?

Résultat des courses, ce mot « huis » provoque des non-sens terrifiants, à base de « frapper à lui » ou « frapper à l’huile » : ça ne veut rien dire.

C’est le lapin qu’on va frapper.

(Notez que souvent, on trouve « frapper ainsi. » Non-non, c’est bien « à l’huis ».)

Cerf cerf ouvre moi

Pas de commentaire. Le lapin est capable de frapper à la porte, il n’y a donc aucune objection à ce qu’il soit également capable de parler.

Ou le chasseur me tuera

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Ah mais voilà ! Tout s’explique : quand on est poursuivi par un chasseur, la seule solution est de se précipiter dans la maison d’un cerf ! C’est évident.

Mon petit lapin (on a le droit d’appeler son enfant « mon lapin »), la prochaine fois que tu vois un chasseur pendant notre promenade dominicale en forêt, surtout fuis ce rustre à plombs et va vite frapper à l’huis de la baraque du premier cerf venu.

Lapin lapin entre et viens

Normal : conversation amicale entre un cerf plein d’hospitalité et un lapin qui parle le latin couramment. Tout va bien.

Me serrer la main

On a encore un problème : déjà, va expliquer à ton enfant que les cerfs et les lapins ont des mains, mais que dans la chanson.

Va lui faire comprendre que si tu l’engueules parce qu’il a fait des mains à son lapin sur le dessin, c’est parce que la comptine que tu lui as toi-même chanté dit totalement n’importe quoi.

Et puis, franchement, quand tu es menacé de mort par un chasseur, tu prends le temps de serrer la main à ton hôte avant de te mettre à l’abri, toi ?

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Quelle est la morale de cette comptine fort instructive ?

Bein… heu…

Que le grand protège le petit du gros méchant ?

Que c’est plus simple de sauver un lapin quand on a une maison que quand on vit au 6e étage sans ascenseur ?

Que le lapin est hyper intelligent parce qu’il connait le mot « huis » ?

Qu’il faut frapper avant d’entrer ?

… je ne sais pas, mon ami(e), je ne sais pas…

Mais tiens, c’est cadeau quand même :

 

A propos de Béatrice Knoepfler

Journaliste, auteur d'un livre de grossesse et co-auteur de deux filles tout à fait géniales, Béatrice Knoepfler est également femme de ménage (chez elle), cuisinière, lavandière, joggeuse à la petite semaine, férue de littérature et de tissus liberty et nulle en crochet. Une vraie femme moderne, comme toi ! C'est d'ailleurs pour au moins une de ces bonnes raisons que c'est ta copine et notre super rédac'chef.