Tu es au bout du rouleau de fatigue entre les enfants malades, le boulot et j’en passe… Bref, tu manques de patience et tu aimerais juste que tes enfants aient moins besoin de toi. Et si tu prenais quelques minutes pour lire cette lettre remplie d’émotion, tu verras que cela va te faire changer d’avis ! Sors tes mouchoirs…
Depuis la naissance de notre fille, ses grands frères sont les premiers à m’avertir quand quelque chose ne va pas. Quand elle a rempli sa couche, qu’elle pleure, qu’elle hurle, ils viennent instantanément me voir. « Quelqu’un a besoin de toi », me disent-ils à chaque fois. Je ne sais pas comment cette petite phrase s’est retrouvée dans leur bouche, mais c’est en ces termes qu’ils ont pris l’habitude de me dire de venir m’occuper de ma petite fille.
Au début, cette phrase m’énervait au plus haut point. Je pourrais prendre une bonne douche bien relaxante, mais… « Maman, quelqu’un a besoin de toi. Le bébé est en train de pleurer. » Je pourrais m’assoir sur le canapé pour souffler juste une minute, bien consciente que le bébé est en train de se réveiller de sa sieste… « Maman, quelqu’un a besoin de toi ! » D’accord ! C’est bon, j’arrive, donnez-moi juste une minute…
Le pire, c’est que les besoins de mon bébé ne sont rien en comparaison des besoins de deux petits garçons. Quelqu’un a toujours besoin d’une barre de céréales, d’un pansement, de chaussettes, de glaçons dans son verre, d’un nouveau jouet, d’un câlin, d’une histoire, d’un bisou. Cela n’en finit jamais, et cette routine, le fait que l’on ait en permanence « besoin de moi » est réellement épuisant à la longue. Et puis un jour, d’un coup cela m’a frappé : ils ont besoin de MOI. Personne d’autre que moi. Personne d’autre, dans le monde entier. Ils ont besoin de leur Maman.
Quand j’ai commencé à accepter le fait qu’être une Maman signifie que je dois être disponible à tout moment, j’ai commencé à retrouver une certaine paix intérieure, même dans cette période extrêmement mouvementée (et un peu folle, aussi) de ma vie. Maman est mon devoir, mon privilège et mon honneur. J’ai signé un contrat sans le savoir, celui d’être là à chaque fois que quelqu’un a besoin de moi, à toute heure du jour ou de la nuit. Maman, ça veut dire que je dois poser le bébé après l’avoir nourrie, au milieu de la nuit, parce qu’un petit garçon de 3 ans vient de faire un cauchemar. Maman, ça veut dire que je survis en me nourrissant de café et de restes de nourriture pour bébé. Maman, ça veut dire que je fais passer les besoins de mes enfants bien avant les miens, sans me poser de questions. Maman, ça veut dire que j’ai le corps plein de courbatures et le cœur plein d’amour.
Je sais qu’un jour viendra où plus personne n’aura besoin de moi. Je sais qu’un jour viendra où mes bébés seront partis depuis longtemps, bien occupés dans leurs vies respectives. Peut-être que je serais assise seule, dans une maison de retraite aux murs blanchis, et que je regarderais mon corps s’effacer peu à peu. Alors, plus personne n’aura besoin de moi. Peut-être même que je serais devenue un fardeau. Bien sûr, ils viendront me rendre visite, mais mes bras ne seront plus leur abri. Mes baisers ne seront plus leur réconfort. Il n’y aura plus de boue à enlever de leurs petites bottes, plus de ceintures à boucler. Je n’aurais plus d’histoire à leur raconter avant de dormir. Plus de sacs à remplir de goûters. Je suis sûre qu’alors, mon cœur vieillissant se souviendra avec nostalgie de ces petites voix qui disaient « Maman, quelqu’un a besoin de toi !».
Alors pour l’instant, je trouve de la beauté dans cet instant, quand je lui donne le biberon à 4 heures du matin dans sa petite chambre douillette. Dehors, la neige tombe sans un bruit, et un lièvre fait sa trace sur cette toile parfaite, lisse et blanche. Il n’y a que moi et mon petit bébé, dehors tout est sombre et figé. Nous sommes les seules à être témoins du lever de la lune, pâle, qui fait danser les ombres dans la chambre. Elle et moi sommes les seules à entendre la chouette qui hulule au loin, dans les peupliers. Nous nous enfonçons dans les couvertures, et je la berce pour qu’elle se rendorme. Il est 4heures et je suis épuisée et frustrée, mais tout va bien, elle a besoin de moi. Rien que de moi.
Et peut-être que j’ai besoin d’elle, moi aussi. Parce qu’elle fait de moi une Maman. Un beau jour, elle dormira toute seule pendant toute la nuit. Un beau jour, je serais assise sur une chaise roulante, les bras vides, et je rêverais de ces nuits calmes, de la chouette qui hulule et de la petite chambre rose. Quand elle avait besoin de moi et que nous étions les seules personnes au monde.
Être une maman, c’est probablement le métier le plus dur que je n’aie jamais exercé. Dans une autre vie, j’étais chef de service dans un restaurant. Un service du samedi soir à 19 h 30, avec l’évier de la cuisine débordant de vaisselle, 2 heures d’attente en salle et une coupure de courant inexpliquée n’est même pas comparable à unmardi après-midi avec les enfants dans ma maison. Et je peux vous assurer que les clients que j’avais étaient du genre très difficile à satisfaire… Mais c’est du gâteau, si vous comparez cela à des gamins affamés qui n’ont pas assez dormi.
Il était une fois… J’avais le temps. Pour moi-même. À présent, mes orteils ont besoin d’amour. Mon soutien-gorge tient en place un peu différemment. Mon fer à lisser ne marche peut-être même plus, je n’en ai aucune idée. Je ne peux pas prendre une douche tranquille, ni avoir aucune intimité. J’ai commencé à utiliser de la crème pour les rides. On ne me demande plus ma carte d’identité à l’entrée des bars. Je suis Maman, et quelqu’un a besoin de moi. Même maintenant, quelqu’un a peut-être besoin de moi.
La nuit dernière aussi, quelqu’un avait besoin de moi…
A 3 heures du matin, j’ai entendu le bruit des petits pas qui entraient dans ma chambre. Je suis restée allongée sans bouger, retenant mon souffle. Peut-être qu’il va abandonner et retourner dans sa chambre. Oui, c’est ça.
« Maman. »
« Maman. » Un peu plus fort.
« Oui ». J’ai murmuré à peine.
Sa petite voix a marqué une pause, ses yeux gigantesques brillant dans la pénombre.
« Je t’aime. »
Et juste comme ça, il est parti. Il est retourné dans sa chambre, sur la pointe des pieds. Mais ses mots sont restés accrochés dans la fraîcheur du soir. Si j’avais pu tendre la main et les attraper, je les aurais pris ses mots et je les aurais serrés fort contre ma poitrine. Sa petite voix douce murmurant la plus belle phrase du monde. « Maman, je t’aime. » Un sourire s’enroule sur mes lèvres et j’expire doucement, j’ai presque peur en soufflant de faire partir le souvenir de ces paroles qui flottent encore dans les airs. Je me rendors, et je laisse ces mots s’installer au fond de mon cœur.
Un jour, ce petit garçon sera un homme, grand et fort. Il n’y aura plus de petits mots doux murmurés au creux de la nuit. Juste le vrombissement du réfrigérateur, et les ronflements de mon mari. Je dormirai en paix, sans craindre d’être réveillée, sans avoir peur que mon bébé soit malade ou bien qu’un enfant se mette à pleurer. Tout cela ne sera plus qu’un souvenir. Ces années ou quelqu’un a besoin de moi, elles sont épuisantes mais elles passent à une vitesse folle.
C’est pourquoi j’ai arrêté de rêver au fait qu’« un jour, les choses seront plus faciles ». Parce que la vérité, c’est que ce sera peut-être plus facile, mais ce ne sera jamais aussi bien, aussi beau qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, je suis couverte de morve et de bave de bébé. Aujourd’hui, des petits bras potelés se blottissent contre mon cou en me chatouillant un peu. Aujourd’hui est un miracle. « Un jour », je pourrais prendre des douches seules et faire des pédicures. « Un jour », j’aurais tout le temps libre que je voudrais. Mais aujourd’hui, je me donne, et je suis épuisée, et sale, et je suis TELLEMENT aimée, et je dois vous laisser.Quelqu’un a besoin de moi.