Chronique de maître : ce que font les enfants à l’école, en vrai

Quelle est la réponse favorite de ton enfant quand tu lui demandes ce qu’il a fait à l’école ? « J’ai joué. » Alors qui d’autre qu’un adulte planqué dans l’école pour te dire ce qu’il a réellement fait de sa journée ? Un maître, un vrai de vrai, te dit tout !

« 16h30, la voiture démarre, tu règles le rétroviseur pour voir la bouille de ton enfant dans son réhausseur. Tu es inquiète car une question te taraude, la même depuis longtemps, la même depuis qu’il est rentré à l’école. Il faut que tu la poses même si tu connais déjà la réponse. Éclairée par ton sourire le plus éclatant, tu es la bienveillance demandant à l’enfant :

« Qu’est-ce que tu as fait à l’école mon chéri ? »

La réponse ne tarde pas, seul le ton change d’un jour à l’autre et te file un coup de mou à chaque fois : « J’ai joué » ou, au mieux, « j’ai dessiné ».

Ça commence doucement à t’inquiéter parce que toi, ton enfant, tu l’envoies à l’école pour qu’il bosse. Et lui, c’est la deuxième voire la troisième année où il te lâche sa sentence tous les soirs bien fixé sur la banquette arrière, la chocolatine au fond de la gorge, du chocolat jusque là et des miettes collées au menton : j’ai joué.

Alors oui, ton enfant joue à l’école, c’est même par là qu’il apprend beaucoup de choses. Pas tout, hein ! De plus, il passe en moyenne une heure par jour dans la cour de récréation. Et une heure, c’est long pour lui. Alors raconter une journée entière comme ça au débotté et en quelques mots, on frise l’impossible. Alors on simplifie, on garde ce qui marque, l’a substantifique moelle  de cette trop longue journée : j’ai joué.

Ça va mieux en le disant

Le problème, c’est ce qu’on appelle le langage d’évocation. Avant 5 ans l’enfant s’apparente à une créature faisant preuve d’une amnésie désarmante. Y remédier est une des missions de l’école notamment en maternelle : il faut arriver à organiser cette tête, à se rappeler, à évoquer qui une sortie chez tatie Brigitte, qui une gamelle à vélo.

Souvent ton enfant est doté d’un cahier de vie lors de sa première année en Petite Section. Ce cahier, ne le néglige pas, il est un précieux outil qui va permettre à ton enfant de raconter ce qu’il a fait, de réactiver ces moments de la veille qui nous semblent si proches mais qui, pour lui, ne sont ni plus ni moins que du passé.

Fais-le avec lui, dis-lui de te raconter le soir même ses jeux, ses repas, les personnes qu’ils a vues. N’hésite pas à insérer des images, ce sera beaucoup plus efficace. Rends ce cahier beau, fais que ton enfant soit fier de l’exhiber et de le raconter. Il n’est jamais trop tôt pour crâner.

« – Qu’est-ce que tu as fait ce weekend, Jules ?

–    Je suis allé sur Mars.

–    C’est pas vrai, tu l’as pas écrit dans le cahier. »

Logique.

Les souvenirs viennent quand on les convoque et d’autant mieux qu’on les convoque précisément. Alors un « qu’est-ce que tu as chanté aujourd’hui ma louloute ? » t’assurera une réponse un peu plus satisfaisante que « raconte-moi ta journée mon poulet ». Pas toujours, hélas, mais on ne peut pas non plus être trop exigeant.

Dis-toi aussi que l’enseignant/e de Louloute ou de Poulet passe lui aussi une bonne partie de sa journée à faire rappeler ce qui a été fait même 5 secondes auparavant car disons-le, un enfant peut avoir un petit côté poisson rouge sympa mais poisson rouge quand même. Le tout est de s’armer de patience.

Et de se dire qu’ils sont rares les adultes qui, après une journée de boulot,  répondront au fameux « Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ma chérie ? » par « J’ai joué ». Ou alors ce sera du style : « J’ai joué, d’après toi ?! », et là, c’est une toute autre histoire qui dépasse mes compétences. »