As-tu déjà essayé de te souvenir de ta toute petite enfance ? Il est peu probable que tu ne te souviennes de rien avant l’âge de 3 ans. Pourquoi ? Les derniers travaux réalisés par Katherine Akers de l’hôpital pour les enfants malades de Toronto semblent nous donner une explication à ce trou de mémoire.
L’amnésie infantile
N’avoir aucun souvenir de l’époque où nous avions moins de 3 ans s’appelle l’amnésie infantile. Selon les derniers travaux de Katherine Akers,publiés dans la revue Science, l’explication viendrait de la grosse production de neurones pendant ces 3 premières années.
Si nous fabriquons de nouveaux neurones tout au long de notre vie pour apprendre et mémoriser justement, les recherches ont montré que lors des 3 premières années, ce processus est beaucoup plus actif que les années qui suivent. Appelé « neurogénèse », ce phénomène se situe au niveau de l’hippocampe, une région du cerveau liée à la mémoire et à l’apprentissage. Cette production intense de neurones pendant les 3 premières années de vie perturberait donc la mémoire et aurait l’effet inverse. Cette conclusion a été confirmée après avoir fait des tests sur des souris.
Les recherches ont démontré que les enfants peuvent se souvenir des événements avant l’âge de 3-4 ans, mais que ces souvenirs diminuent à mesure que les enfants grandissent. Une fois adulte, cette perte de mémoire peut s’étendre jusqu’à l’âge de 10 ans.
Trou de mémoire dans les neurones
La formation de nouveaux neurones nous aide généralement à apprendre et à mémoriser de nouvelles informations, mais selon la nouvelle étude, le rythme élevé de neurogénèse chez les très jeunes enfants peut en fait avoir l’effet inverse et nous faire oublier.
Les auteurs de l’étude ont instillé des souvenirs chez des souris de laboratoire, en associant par exemple un endroit à un léger choc électrique. Ils se sont ensuite rendus compte qu’en encourageant la neurogénèse (en leur donnant une roue sur laquelle courir pendant plusieurs semaines ou avec des produits chimiques), les souris se souvenaient moins bien. Au contraire, les souris chez lesquelles ils ont ralentit le rythme de neurogénèse se souvenaient mieux.
Une théorie, mais pas la seule
L’amnésie infantile a fait l’objet de nombreuses théories dans la littérature psychologique, rapporte le site Vox. On a ainsi fait l’hypothèse qu’elle était due à l’absence de langage ou de développement émotionnel chez les jeunes enfants, tandis que Freud y voyait un mécanisme de répression des souvenirs traumatisants de l’enfance (théorie réfutée par plusieurs études depuis).
«Je pense que [la nouvelle hypothèse] fournit un mécanisme convaincant pour expliquer pourquoi nous ne nous rappelons pas de nos souvenirs infantiles» a déclaré Mazen Kheirbek, chercheur qui étudie la formation des neurones à l’université de Columbia, à Vox.
Interrogé par le New Scientist, Mark House, chercheur spécialisé dans la mémoire à la City University de Londres, souligne qu’il reste néanmoins d’autres explications possibles pour l’amnésie infantile, comme une connectivité altérée entre différentes zones du cerveau.