Abandonnés ou tués : c’est le sort des jumeaux qui naissent dans la région de Manajary, au sud-est de Madagascar. La coutume veut qu’ils soient porteurs de malédiction et il est interdit de les élever. Un sort souvent ignoré, mis en lumière par Kiki King, une journaliste anglaise.
C’est une pratique ancestrale de l’ethnie des Antambahoaka, l’une des 18 de Madagascar, et elle est toujours appliquée : les jumeaux qui naissent là bas sont promis à un destin désespérant, dans lequel l’abandon est le meilleur des cas. Le pire étant la mort. Car pour cette ethnie, les jumeaux sont porteurs de malédiction et ne peuvent rester dans la communauté.
La « malédiction » trouve ses racines dans à la fois dans un histoire très ancienne mais aussi dans une autre, plus récente, puisqu’elle ne date « que » du 19e siècle : la reine Ranavalona fut persuadée par son astrologue que les enfants nés Gémeaux étaient voués à un destin fabuleux. Se sentant menacée dans son autorité, elle décida d’imposer aux parents de jumeaux de tuer leurs jumeaux ou de les déposer au milieu des zébus. Si les bébés survivaient au piétinement des sabots, ils pouvaient vivre.
Autre croyance à l’origine de cette coutume, celle qui véhicule l’idée qu’un homme ne peut engendrer qu’un enfant à la fois : les jumeaux seraient le signe de l’infidélité de la femme.
Aujourd’hui, il est très difficile d’obtenir des statistiques sur la destinée des jumeaux qui naissent dans cette région de Madagascar, et Kiki King, journaliste anglaise auteur d’un reportage pour Channel 4 sur le sujet, s’est heurtée à cette absence de chiffres.
Une absence guidée par la loi du silence et le poids de la coutume dans sa pire application, dont on soupçonne qu’elle perdure. La journaliste s’est alors basée sur des témoignages de femmes ayant accouché de jumeaux là bas : obligées de fuir car les voisins craignaient le « mauvais esprit » des bébés, elles se retrouvent dans un camp accueillant les mères de jumeaux.
Nombre de jeunes jumeaux sont également sauvés en étant accueillis dans un orphelinat qui leur est réservé, créé en 1987. La plupart sont adoptés en France, Suède, Italie ou au Canada, très peu le sont sur l’île de Madagascar.
Et les membres de l’ethnie des Antambahoaka qui ont bien voulu répondre à Kiki King restent ancrés dans leur tradition : « aussi longtemps que nous vivrons, nous n’abandonnerons pas nos coutumes. Quiconque a des jumeaux et les garde est dénué d’âme. »
Il existe un documentaire en français sur les jumeaux maudits de Madagascar, réalisé par Philippe Rostan et produit par Filmover Production / France Télévisions.